Eruoma Awashish

Eruoma Awashish

Cour du Monastère des Sœurs adoratrices du Précieux-Sang


Pakoserimowin (Prière), 2025

« La langue vient du territoire » – Eruoma

 

De la langue atikamekw au français :

Notcimik… forêt, là d’où vient mon sang
Waska matisiwin… vivre en toute conscience dans l’équilibre du cercle
Anaska… placer du sapinage dans la tente, une tâche associée à la féminité
Mokocan… festin, partager un repas ensemble en communion
Makocanicic… petit festin
Masko makocan… festin d’ours

« On dort bien dans une tente, car dehors nous sommes en sécurité, nous sommes en connexion avec les animaux, les esprits et les étoiles. Dans la forêt, il est plus facile de rêver. » – Eruoma

Née d’un père Atikamekw et d’une mère d’origine québécoise, Eruoma Awashish incarne une spiritualité élargie et vivante. Elle a forgé son identité dans sa communauté d’origine, Opitciwan, auprès de sa famille Atikamekw Nehirowisiw; c’est d’ailleurs là où ses grands-parents lui ont transmis la langue, une langue qui vient du territoire. En développant un dialogue basé sur l’ouverture, dans une circulation fluide entre sa communauté autochtone et la culture québécoise, elle aborde aujourd’hui la posture de facilitatrice bienveillante : elle donne lieu à la rencontre. Dans une continuité avec son expérience de vie, elle transpose cette attitude dans sa pratique artistique, au sein de laquelle elle fait également valoir la richesse des liens qui unissent le sacré au territoire et au vivant.

Eruoma nous a raconté avoir vu ses grands-parents aller à l’église, mais qu’ensuite leur chemin se poursuivait dans la forêt afin d’y vivre pleinement leur spiritualité. Pour sa famille et pour sa communauté, habiter le territoire, c’est incorporer la conscience de ce qui est plus grand que soi. Le territoire, c’est la maison. Vivre dans la nature permet d’être constamment en rituel : remercier les animaux, se recueillir, cueillir, cuisiner et dormir dans le bois dévoile le sacré des gestes simples du quotidien.

Dans la cour du Monastère, devant la minuscule chapelle de sœurs adoratrices, un shaputuan est installé, un lieu de rassemblement et de partage où se transmettent des connaissances de génération en génération. Brouillant la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, Eruoma y aménage un autel composé d’objets symboliques d’une vie en nature. Avec sa porte grande ouverte, la tente symbolise un passage et une cohésion avec la forêt. La petite chapelle, de son côté, représente de grands bouleversements. Bien sûr, elle fait référence à la religion catholique, mais aussi à la maison-bâtiment qui cloisonne. En mettant en parallèle ces deux habitations, Eruoma rappelle que la colonisation a effectivement implanté la sédentarisation des peuples des Premières Nations, freinant ainsi drastiquement la pratique de leur spiritualité en les empêchant d’habiter le territoire.

Bien que l’installation Pakoserimowin (Prière) évoque cette réalité, par sa « mise en nature » suggestive, celle-ci assure aussi un dialogue, une conversation, une forme d’harmonie. Comme dans toute sa pratique au cœur de laquelle elle autochtonise des symboles catholiques, Eruoma superpose habilement les iconographies en leur octroyant une valeur augmentée.

La présence du shaputuan annonce également un Mokocan, un festin à partager qui au moment de l’équinoxe d’automne soulignera la Fermeture de Faim de rituel. Lors de cette célébration, un repas cuisiné par Eruoma nous sera offert en geste de reconnaissance et de communion avec la nature et l’esprit des animaux.

Pour nous, cette œuvre est un rituel d’unification et de gratitude.

Eruoma Awashish

Eruoma Awashish

  • Artiste Atikamekw Nehirowisiw, Eruoma a grandi dans sa communauté d’origine, Opitciwan, a résidé à Wemotaci et son atelier est maintenant établi au Pekuakami (Lac-Saint-Jean) dans la communauté Ilnu de Mashteuiatsh.
  • Titulaire d’un baccalauréat en arts interdisciplinaires, elle est actuellement en voie de terminer une maîtrise (recherche et création) sur la décolonisation du sacré dans les cultures des Premières Nations.
  • Pratique installative, peinture, fresque, performance, territoire et nature, spiritualité, affirmation d’une double identité québécoise et atikamekw, syncrétisme, résilience, réappropriation, adaptation et transmission
Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018
02
03

01

Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018

02

Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018

03

Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018