Mathilde Demoli

Mathilde Demoli

Photo : Valérie Turcotte

Église Notre- Dame-du-Rosaire


Tête de biche, 2022-2025

« Quand les conditions me le permettent, je redonne à la nature une partie de ce que je lui ai pris. À la manière d’une petite sépulture, le corps de l’animal est mis en terre, soit à proximité du lieu où il a été trouvé, soit sur un lieu de passage quotidien. » – Mathilde

 

Récit d’une mort, peau d’un cerf de Virginie abattu à l’arbalète dans le parc de Vimy Ridge par un chasseur de Thetford Mines, sépulture des restes de l’animal à l’érablière de la Colline d’or à Saint-Pie.

Installation, sculpture et taxidermie comme acte de compassion, tête de biche dupliquée et magnifiée, céramique, plâtre, cire, perles, bas de nylon, nature morte peinte à l’acrylique sur toile de coton, sirex géant « guêpe du bois » (Urocerus gigas)

La taxidermie pratiquée par Mathilde Demoli est saisissante. Sa façon de travailler le corps de l’animal – pourtant mort – comme si elle soignait, nous touche. Habitée par l’esprit d’une funambule, Mathilde valse entre les traces de vie et de mort qu’elle s’applique à révéler, de telle manière qu’elle exerce un devoir de mémoire.

Mathilde ne naturalise pas l’animal pour en faire un spécimen ressemblant au vivant ni pour posséder un trophée de chasse; elle pose plutôt un acte de compassion. De façon à conserver l’histoire de l’animal et à manifester un élan de tendresse, elle lui redonne corps en immortalisant sa posture de mort.

Nous avons proposé à Mathilde d’investir l’ancienne sacristie de l’église Notre-Dame-du-Rosaire. Autrefois, lieu de dépôt des objets et habits liturgiques, cet endroit servait également à la préparation et à la transformation symbolique du célébrant religieux. Maintenant déchargé de ses premières fonctions, cet espace devient le cabinet de curiosités de l’artiste-taxidermiste où l’on découvre la transmutation de la biche. En cire, en céramique ou en peau, l’animal est là, sans y être.

Du moment où Mathilde rencontre un animal mort et décide de le prendre en charge, elle s’engage. Elle le dépouille, elle nettoie et tanne le derme, arrange la peau, remonte le corps. Elle se soumet, dès lors, à un protocole scientifique de transformation du cadavre vers l’objet sacré. La taxidermie est vécue par l’artiste dans un processus intime d’acception, de manière performative accueillant les erreurs et faisant face à la réalité crue. Elle fait d’ailleurs de même avec les autres techniques; ainsi, l’ornementation et la coloration répondent aux blessures de l’animal ou aux accrocs survenus dans son travail. Mathilde embrasse les imperfections qu’elle va jusqu’à magnifier de perles et de dentelle.

En plus de mettre en valeur la matérialité de l’objet-biche, Mathilde documente les différentes étapes traversées. Ce faisant, elle trace le récit de la mort de l’animal, du repas qui a été cuisiné avec sa chair jusqu’au lieu de sépulture des restes de sa peau. Par conséquent, la ritualisation exécutée par Mathilde s’inscrit également dans une démarche de traçabilité et de conservation d’archives, comme peut en témoigner la nature morte qui, dans un fin mélange, fait valoir l’art, la mort, la chasse et la science.

Pour nous, cette œuvre est un rituel de commémoration.

Mathilde Demoli
Crédit photo : Etienne Klopfenstein

Mathilde Demoli

  • Née en Belgique, vit et travaille à Québec / Kbahak / Kepek.
  • Titulaire d’une maîtrise en arts visuels (recherche et création) à l’Université Laval (Québec). Elle est également formée en taxidermie (stage en Haute-Savoie, France), une technique qu’elle continue à explorer de façon autodidacte en l’intégrant à sa pratique artistique.
  • Hommage au vivant, biomorphisme, matières croisées, corps sacré, trace, récit suspendu, devoir de mémoire, offrande, relique, sanctuaire, recueillement.
Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018
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Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018