Yannick De Serre

Yannick De Serre possède une aptitude hors du commun à entrer en relation avec la mort, à prendre soin de ce passage et même à le célébrer. Nous reconnaissons sa capacité d’agir en tant que célébrant et son ingéniosité à proposer des actions transformatrices autant pour lui-même que pour les autres. Ces qualités sont certainement induites par la conscience empathique de l’artiste, qu’il raffine au contact de personnes vulnérables qui franchissent des étapes critiques de leur existence.

Au quotidien, Yannick incarne une double identité qui le définit à la fois comme artiste visuel et infirmier à l’urgence. Cette posture singulière lui permet de circuler entre deux mondes qui, à première vue, ne coexistent pas nécessairement aisément. La sensibilité toute particulière de Yannick lui permet de recevoir et de traiter avec finesse une gamme d’émotions et d’affects dans le but de les transposer d’un domaine à l’autre. De ce fait, il est possible d’imaginer que la présence performative de l’infirmier infiltre la pratique de l’artiste, et vice-versa. Yannick met en place des espaces sacrés à la croisée de l’atelier d’artiste et du laboratoire scientifique.

La guérison pour faim aborde le manque d’humanité lors du « moment nutrition » en milieu hospitalier, particulièrement en fin de vie. Dans les faits, si le temps du repas – ou la prise de médicaments – s’avère trop souvent dénaturé, l’artiste transforme ici ces procédures obligatoires en reconsidérant tout le protocole. La présentation d’un repas et la fabrication de capsules médicamenteuses deviennent un geste artistique empreint de respect, de compassion et de reconnaissance de la vie humaine.

Révélateur de conscience, ce laboratoire fait office de point d’orgue du parcours présenté à EXPRESSION, en soulevant la question de l’expérience de se nourrir à l’approche de la mort.

Alors qu’on s’apprête à traverser le dernier seuil, vers un passage plus que jamais inconnu, est-ce possible aussi de se nourrir de beauté, de calme et d’espoir?

L’artiste-célébrant laisse son travail en chantier : une manière de faire ressentir sa présence bienveillante, en attendant son retour.

Pour nous, cette œuvre est un rituel d’accompagnement vers la mort.