Nadège Grebmeier Forget

Entre Godzilla et Ma petite pouliche : un monde… ou Nadège Grebmeier Forget. En vérité, il s’agit d’une fusion incroyable, celle d’une licorne multicolore qui s’unit à un monstre aux pouvoirs surnaturels. Invulnérable au feu, tel le géant au souffle atomique, Nadège est indomptable et électrisante; armée de l’élégance divine de Pégase, tout entière, elle pétille de charme et de poésie. Dans ce monde paradoxal, elle bouillonne; ça explose et ça sent le chocolat à la vanille.

Beignet, caramel, crème glacée, raisins, pastèque, beurre, gâteau et plus encore; une panoplie de confiseries, de pâtisseries, de fruits ou de liquides sucrés y passent, que ce soit sous forme d’ingestion pratiquement déraisonnable ou en usages détournés sur son corps ou sur une toile. Dans ses performances bouleversantes, elle flirte avec le drame et l’autodérision. Au cœur de ses installations, elle mélange des espaces sensoriels et virtuels et nous percute de multiples stéréotypes. Peu importe le mode d’expression, la nourriture fait partie prenante de sa pratique et de son expérience soma-esthétique (Richard Shusterman) : le matériau comestible prend place dans sa réalité au quotidien, modifie intrinsèquement son corps de femme et active ses gestes artistiques en vue de sublimations personnelles.

Prendre acte du travail de création de Nadège nous a permis de témoigner du mouvement viscéral qui l’anime. Un flot puissant d’énergie qui la propulse en quête d’intensité comme d’intimité. Cet état embrasse l’effervescence propre à l’adolescence, une période où l’on confronte nos monstres et surmonte nos premiers défis. L’adolescence représente le paroxysme d’une phase de recherche, entre éblouissements, questionnements, découragements, illuminations, manies, accablements et épiphanies. C’est là où la rencontre des figures mythiques de Godzilla et de la pouliche ailée provoque des cascades, entre rêve et hantise, entre fantasme et répulsion. La beauté chez Nadège, c’est qu’elle n’a pas peur d’y faire face, encore aujourd’hui. Même qu’elle attise cette attitude.

À EXPRESSION, dans l’espace qui lui est dédié, elle recrée sa maison-atelier qui accueille la plupart de ses rituels, autant personnels qu’artistiques. Elle y construit des autels à souvenirs, y dépose des artéfacts réactivant la mémoire de performances, y installe des toiles expressionnistes. Retracer, Mouvoir, Graver, Cuisiner 2172-A est « sa chambre à elle », son espace refuge pour faire bouillonner et exploser les roses, les noirs et les odeurs. À la fois sacré et profane, ce lieu alterne entre milieu de vie et décor performatif. N’est-ce pas dans notre « chambre d’ado » que tout se passe? Qu’on joue, mange et pleure; qu’on se fâche et qu’on exulte… que l’on apprend à cohabiter avec nous-mêmes, pour ainsi apprendre à s’aimer et à mieux entrer en relation avec les autres?  

Pour nous, cette œuvre est un rituel de transformations identitaires.