Christine LeBlanc

Quelque part au printemps 2024, depuis le fond de la nef, nous avons eu notre première « vision » à l’église Notre-Dame-du-Rosaire : imaginer, suspendus dans le chœur, les grands portraits de femmes que proposait de peindre Christine LeBlanc. Cet emplacement des plus révélateurs allait bel et bien accueillir de nouvelles icônes : deux agricultrices et une artiste cowgirl.

Cette dernière, dont l’autoportrait est installé au milieu de la colonnade, au centre de la trinité féminine, occupe la place de médiatrice. Ainsi, humblement, elle permet la rencontre entre l’art et l’agriculture. Christine rend hommage à la vie et au travail accompli par les femmes sur des terres agricoles. Profitant elle-même d’un espace de vie en milieu rural, l’artiste assume son accointance avec ces femmes et se questionne : quels sont leurs rituels quotidiens, quels gestes s’inscrivent dans leurs histoires?

Au cours de l’automne dernier, Christine a rencontré Véronique, puis Nathalie avec ses beaux-parents, Mariette et Gilles ; deux familles maskoutaines qui travaillent dans le domaine de l’agriculture. Lors de leurs échanges, des sujets sont mis de l’avant telles la force d’une filiation familiale qui sillonne des générations autant que l’importance de nombreux gestes qui rythment le quotidien. Ces gestes qui, posés au fil des jours et des années de labeur, entre semailles et récoltes, sacralisent les liens précieux qui unissent la terre, les animaux et les humains. Navigant du documentaire à l’art relationnel, Christine infiltre leur monde et recueille des images, des récits, des visions. Elle s’imprègne de l’essence de ces femmes infatigables. Maintenant, leurs histoires traversent aussi son art.

Immenses et généreuses, les femmes peintes par l’artiste trônent dans des tableaux luxuriants. Prenant racine dans l’héritage des peintres du 19^e siècle qui ont mis à l’honneur le travail agricole et la vie animalière de la ferme, Christine s’inspire et réinterprète librement certaines œuvres classiques. Les Glaneuses (1857) de Jean-François Millet et le Portrait du peintre Rosa Bonheur aux côtés d’un bovidé (v. 1857) d’Edouard Dubufe passent sous la loupe contemporaine de Christine, la faisant, par exemple, se représenter elle-même avec sa jument et sa chienne. À l’instar de ces artistes, LeBlanc s’engage à souligner la force et la dignité du travail qui relève d’une vie de champ, de culture et de rituels agricoles.

À travers ce projet, elle réussit également à amalgamer d’autres domaines quasi incompatibles, faisant se rencontrer le travail concret de la recherche sur le terrain et celui mystérieux de la magie divinatoire. En vérité, et nous en sommes tout simplement charmées, Christine nous a laissées imaginer que certaines cartes du tarot, soigneusement tirées en souvenance de ses rencontres, ont ritualisé et entrainé son geste de peindre ces audacieuses icônes.

Pour nous, cette œuvre est un rituel relationnel en hommage aux femmes de la terre.