Farzaneh et Mancy Rezaei

Farzaneh et Mancy Rezaei

Église Notre- Dame-du-Rosaire


Offrande au safran, 2025

Du jaune en poudre volatile,
Un chant qui fait vibrer les corps
Et l’onde traverse l’océan.
Nous sommes les millions d’étoiles qui relient les terres.
Au-delà de la peur et du désarroi,
Par-delà les vents et les questionnements
La famille, la joie et l’odeur de la fleur de crocus.


Installation dans le deuxième chœur

Devant les fenêtres
Six dessins, trois par sœur.
Farzaneh : encre et pigment naturel du safran sur papier japonais
Mancy : encre et gouache sur papier japonais

Au sol

Le résultat d’une performance réalisée en sororité, le 22 juin 2025, lors de l’Ouverture.

Lorsque Mancy nous a demandé si elle pouvait « se mettre à genoux, ici », nous avons réalisé à quel point notre invitation lancée aux sœurs Rezaei, d’habiter le deuxième chœur de l’église Notre-Dame-du-Rosaire, portait une dimension politique et féministe. En leur proposant de réaliser une œuvre sur leur culture persane, nous leur avons permis d’entrelacer diverses formes de cultures et peut-être même de les renverser. Ainsi, dans ce lieu particulièrement chargé d’un pan de l’histoire du Québec, leur terre d’accueil, elles peuvent envisager un autre espace d’affranchissement, c’est-à-dire une autre possibilité de se nommer comme femmes libres et puissantes aux multiples cultures.

Artistes immigrées au Canada depuis 2014, Farzaneh et Mancy manifestent par leurs pratiques artistiques la nécessité de raconter leur route vers l’indépendance, que ce soit par l’alliage de cultures ou par le soulèvement de forces féministes. Toutes jeunes, les sœurs lisent Forough Farrokhzad (1934-1967), poétesse iranienne avant-gardiste. Elles sont impressionnées par cette femme libre et rebelle, figure de l’insoumission. Avec Offrande au safran, le duo de sœurs cultive en sororité des filiations avec plusieurs femmes de leur culture, dont Forough, mais également la chanteuse iranienne Marzieh ainsi que leur maman, Fatemeh Zabeti, restée en Iran, avec qui elles entretiennent une précieuse solidarité.

Depuis quelques années, à Mahabad, dans la région centrale de l’Iran, Fatemeh, accompagnée du reste de la famille Rezaei, cultive de façon artisanale le crocus satirus pour en faire du safran, épice essentielle utilisée dans la culture culinaire iranienne. Chaque année, durant deux semaines, la famille exécute les étapes de production, même si celle-ci est accomplie pour le plaisir, pour la consommation familiale. Les travaux manuels sont réalisés avec minutie : avant le lever du soleil, la famille récolte les fleurs pour ensuite retirer les pistils et les faire sécher soigneusement. En raison de la durée de vie de la fleur, soit une journée, le protocole de cueillette reprend chaque matin, donnant ainsi au safran sa préciosité et sa rareté.

En réalisant l’œuvre installative et performative Offrande au safran, chacune des sœurs a traversé le territoire de l’autre pour cultiver et valoriser la force d’être à deux. En les présentant en duo, nous souhaitons voir éclore le fruit du croisement de leurs couleurs et de leurs parfums.

Dans ses dessins, en geste de filiation familiale et culturelle, Farzaneh utilise le pigment naturel fait du safran produit par sa famille. Pour réaliser ses dessins, elle entrevoit la surface du papier telle une terre fertile, un environnement qui sert à déployer du mouvement. Ouvragés à la manière d’une dentelière qui exécute de fines combinaisons à l’aide de fils, les gestes de Farzaneh rattachent des lignes, rassemblent des fragments, relient des déplacements. Ces ramifications font écho à ses voyages entre Montréal et Téhéran, de sorte que sa vie nomade et migrante se manifeste dans l’abstraction de ses dessins à travers lesquels poussent des corps de femmes.

Avec ses œuvres réalisées à l’aquarelle et à l’encre noire, Mancy affirme un droit : la présence du corps de la femme dans l’espace public. De manière à délivrer cette présence, Mancy fusionne des formes féminines et des symboles architecturaux provenant de lieux publics réservés aux hommes. Faisant habituellement référence à sa culture perse avec, par exemple, des motifs que l’on retrouve dans les mosquées, Mancy ajoute ici des détails qui suggèrent aussi les ornementations et les vitraux de l’église Notre-Dame-du-Rosaire. De ce fait, elle crée une connexion entre ses différentes cultures qui, paradoxalement, la nourrissent et la questionnent. De plus, pour une première fois, elle ajoute à ses dessins et actions, la présence du safran.

Au moment de l’ouverture de Faim de rituel, l’installation est activée et complétée par une performance faite en duo.

Pour nous, cette œuvre est un rituel de filiation et d’émancipation.

Farzaneh

Ferzaneh Rezaei

  • Née à Téhéran en Iran, vit et travaille à Tio’tia:ke / Mooniyang / Montréal.
  • Titulaire d’un baccalauréat en langue et littérature française à l’Université des sciences et recherches à Téhéran (Iran) et d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques (UQAM, Montréal), elle est également travailleuse culturelle et médiatrice.
  • Dessin, pigment naturel de safran et encre sur papier, fragment, récit d’une double culture, transformation identitaire, immigration, appartenance, dialogue, résilience.
Mancy Rezaei
Mancy Razaei
  • Née à Téhéran en Iran, vit et travaille à Tio’tia:ke / Mooniyang / Montréal.
  • Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels à l’Université de l’art et de l’architecture à Téhéran (Iran), elle poursuit sa formation à Montréal en lithographie ainsi qu’une maîtrise en arts visuels et médiatiques (UQAM). Elle agit également en tant que travailleuse culturelle et médiatrice.
  • Dessin, encre, peinture, ornement architectural perse avec corps féminin, motifs botanique et géométrique, quête de liberté, résistance, immigration et enracinement, mémoire et identité.
Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018
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Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018