Sarah Thibault

Sarah Thibault

Église Notre- Dame-du-Rosaire


Nos gestes engrangés, 2025

Pendant une résidence de sept jours, seule et en silence, Sarah ornemente le chœur de l’église en y installant paille et gâteaux faits maison. À l’odeur de l’encens s’ajoutent celles du sucre et du foin.

Installation in situ, gâteau à la vanille, biscuit au sucre, à la cassonade et à la mélasse, pain plat, pain rompu, paille, motifs de feuille d’acanthe, de vigne et de fleur à cinq pétales

De la farine de blé à la pâte à biscuit jusqu’à la botte de paille, Sarah Thibault transforme la matière. Elle travaille de ses mains. Elle mélange, pèse, taille, découpe, pétrit, assemble, torsade, tresse. Elle crée des emporte-pièces, érige des gâteaux, construit des éléments de mobilier. Sarah œuvre.

Le travail d’orfèvrerie, exercé à travers la fabrication de bijoux contemporains, suivi d’un passage à la Maison des métiers d’art de Québec ont mené Sarah à la sculpture ornementale et monumentale. Ce parcours singulier nous a amenées à lui proposer d’établir une correspondance entre sa pratique artistique et l’église Notre-Dame-du-Rosaire. Lors d’une résidence d’une semaine dans ce bâtiment patrimonial désacralisé, l’artiste crée des lieux de recueillement contemporains qui invitent à de nouvelles invocations.

Ici, Sarah redéfinit le chœur de l’église, spécifiquement les espaces du maître-autel ainsi que ceux des deux autels latéraux en y infiltrant des objets d’ornementation éphémères. Ceux-ci sont inspirés de l’architecture intérieure de l’église, tels que les boiseries du mobilier, les corniches des colonnes ou les bas-reliefs appliqués de feuille d’or. Sans pour autant détourner notre regard des somptueux mobiliers de chêne, les sculptures décoratives fabriquées avec minutie suivant des techniques relevant du domaine domestique redonnent pouvoir et noblesse aux métiers manuels et au monde paysan.

Subvertisseuse de l’ordre établi, Sarah détourne les codes, opérant des croisements entre le sacré et le profane. Le pain, le gâteau et la paille se voient ennoblis en joyaux, symbolisant dorénavant un nouvel or. Ainsi, la fonction première de la nourriture est renversée en une forme de nourriture esthétique et spirituelle.

L’installation in situ Nos gestes engrangés déplace nos imaginaires. Les évocations sont multipliées. Par exemple, dans l’univers religieux le pain représente la chair de Jésus « à partager et à manger », tandis qu’ici, monté en pièce, le pain glorifie l’effort et le résultat d’une activité domestique. Pour ce qui est de la paille, bien qu’elle réside au cœur de la Nativité puisqu’elle a permis de réchauffer l’enfant né, utilisée par Sarah, la modeste nourriture pour animaux de ferme change de statut : elle est enjolivée, puis surtout magnifiée.

Pour nous, cette œuvre est un rituel alchimique de fabrication d’objets sacrés.

Sarah Thibault

Sarah Thibault

  • Née à Saint-Gilles, vit et travaille à Québec / Kbahak / Kepek.
  • Formée à l’École de joaillerie et en sculpture à la Maison des métiers d’art.
  • Pratique installative in situ, fabrication d’objet, espace domestique comme lieu de réflexion sociale, critique de la bourgeoisie et du patriarcat, détournement des pouvoirs, or et matière du quotidien.
Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018
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Carrie Allison, Plot (détail), perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018

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Carrie Allison, Plot, perle toho sur lin, 2018