Jacynthe Carrier

Bien que la série Pièces montées de Jacynthe Carrier ait été mise en valeur dans un livre d’artiste en 2018, une mise en exposition n’avait jamais été encore explorée. Pour Faim de rituel, notre choix est radical : présenter une immense fresque photographique tirée de cette série, dans un passage étroit. Cette mise en espace impose la proximité, elle amène à « être dans l’œuvre » et à « être traversé·es » par la pièce montée.  

En pâtisserie, une pièce montée est un assemblage d’éléments superposés faisant généralement référence à des structures architecturales. Toujours de grande taille afin de provoquer l’étonnement, la pièce montée est dévoilée à la fin d’une communion ou d’une fête. D’ailleurs, au théâtre, on « monte une pièce », on la met en scène.

Ici, une longue table drapée d’une nappe blanche est installée sur une allée de planches de bois rappelant une promenade sur le bord de la mer. Tout autour de la table, on s’affaire à des activités : on classe, on dresse, on met en place… on attend. La scène est surplombée de mouettes et l’ensemble est enveloppé d’un abri-serre à la manière d’une cloche de verre qui englobe ce que l’on souhaite protéger et magnifier.

L’artiste, maître d’œuvre de ce tableau vivant, a conçu une mise en scène à l’approche d’un banquet; cependant la raison du banquet nous échappe, ce qui offre d’innombrables interprétations à ce rassemblement. On voit les protagonistes inventer des jeux de préparation et d’ornementation avec différentes denrées, tout cela avant de manger. Le cérémonial de ces relations avec la nourriture annonce des manières inattendues de se mettre à table, il s’en dégage même un esprit carnavalesque. Une grand-maman couronnée porte des baskets, un homme jongle avec de la pâte à pain, des enfants trônent et attendent leurs invité·es…

Nous n’avons pu résister à cette photographie de Jacynthe qui, pour nous, fait office de deuxième seuil du parcours à EXPRESSION, comme pour conclure l’esprit d’opulence et se diriger vers des espaces sensibles et privés. Nous avons « monté » cette pièce pour créer un passage, pour faire un pont.

Pour nous, cette œuvre est un rituel interrelationnel entre humain et nourriture.